Un mariage au Moyen Age
    
    
      par Léon Gautier & Jacques Levron
    
    
    Histoire pour Tous N° 4, aout 1960
    
     
    
      
       Un repas de noce
      
    
    
    Le soleil s'est levé en plein bleu. Les cloches des petites églises rurales annoncent la messe. Tout parait 
calme. Mais à la Ferté-Henri, on s'agite. La jeune fille est entourée de dames et de servantes qui sont fort 
occupées à l'atourner.
    Il n'y a pas, à cette époque, de toilette spéciale pour le jour des noces. La fiancée se revêt seulement de ses 
plus riches et plus beaux habits.
    Ce qui l'occupe d'abord le plus longuement, ce sont ses cheveux blonds : elle aimait, jusqu'ici, les porter 
flottants sur ses épaules, mais elle ne veut plus désormais les avoir que tressés. Armée de son peigne d'ivoire, 
elle sépare donc ses cheveux en deux grosses nattes. Sa servante lui présente des rubans, des bandelettes de 
soie, des galons d'or qu'elle entrelace habilement avec ses cheveux. C'est ce qu'on appelle des crins galonnés. 
Et Aélis n'a point besoin d'emprunter de faux cheveux, comme tant de femmes sont contraintes de le faire. Au 
bout d'une demi-heure, les deux nattes sont achevées et tombent sur son dos, luisantes et lourdes. Par un geste 
charmant, elle les ramène sur le devant de ses épaules, se regarde un peu dans le miroir et s'estime 
satisfaite.
    Elle n'a pas besoin de se teindre ou de se poudrer de safran. Gautier de Coincy, dit que certaines femmes de son 
temps étaient « ensafranées ». Aélis n'est pas de celles-là : telle elle est sortie du bain hier au soir, telle 
elle est aujourd'hui
     Blanche est comme fleur de lis
     Mais ceci est de droite nature,
     Sur elle n'y a autre teinture.
    (Dumars.)
     
    A ceux qui trouvent que la toilette est longue, elle pourrait répondre que ce jour-ci ne ressemble pas aux jours 
ordinaires et qu'elle, Aélis, n'est point comme celle de la chanson
     Quand la belle fut levée
     Et quand elle fut lavée,
     Ja la messe fut chantée...
    
    Certes, jeunes filles et femmes nobles ne s'habillaient pas tous les jours avec de beaux vêtements d'apparat. 
Ceux-ci les rendaient en effet raides comme des statues. Les châtelaines du XIIe siècle savaient fort bien « 
s'aisier » (1) le reste du temps. Mais, pour un jour de noces, c'est bien 
différent. Si on ne portait pas le grand costume, quand le porterait-on ?
    Aussi, la chambre de la jeune fille est-elle éblouissante de soie et d'or. Tous les vêtements de luxe y sont 
étalés sur des perches. C'est un pèle-mêle fulgurant.
    Mais il est temps qu'Aélis choisisse entre tant de richesses. La toilette commence : grande affaire.
    
    
      La toilette de l'épouse
    
    
    La chemise, en fine toile de lin, est blanche « comme fleur des prés » avec une légère teinte de safran qui 
n'est pas désagréable. Son luxe ne consiste qu'en petits plis ou « rides » d'un effet charmant. Elle n'est pas 
même ornée d'une broderie d'or aux manches et au cou, car Aélis s'est souvenue du prédicateur qui tonnait, l'an 
passé, si fort contre le luxe de l'habillement féminin et prétendait que certaines chemises coûtaient plus cher 
que le surplis d'un prêtre !
    Sur cette chemise. Aélis revêt cette sorte de robe qui forme l'élément principal du costume des femmes, comme de 
celui des hommes : le pelisson hermin. C'est une très fine fourrure d'hermine enfermée entre deux étoffes, de 
façon à n'apparaître qu'aux bords du vêtement, aux manches et au cou. L'une de ces étoffes, celle qui touche 
directement la chemise et que l'on ne voit pas, est de la soie, un cendal de haute valeur. Il est, pour Aélis, 
de rouge foncé, presque violet. Un léger galon d'or pare le bout des manches qui sont serrées au poignet, et le 
bas de la jupe, qui s'arrête à la cheville. Une passementerie semblable agrémente l'encolure que l'on appelait 
tout bonnement la goule du pelisson. Le vêtement, assez étroit et ajusté, n'est pas toujours d'un effet 
gracieux. Il engonce au point qu'on a dû supprimer la fourrure du corsage et de la jupe pour ne laisser un peu 
d'hermine qu'à l'encolure et aux manches. Le pelisson a tourné à la robe. Il est d'ailleurs couvert de la 
tunique de dessus, le bliaut, qui le cache presque tout entier. Ici, le luxe éclate. C'est le vêtement des 
grandes fêtes qu'on ne porte pas plus de vingt fois par an. Cette belle tunique, très légère, en soie verte 
brochée d'or, descend presque aussi bas que l'habit du dessous. Les manches, très larges et fort longues, 
traînent jusqu'à terre et l'on voit, par-dessous, les manches ajustées du pelisson avec leur étoffe violette et 
leurs galons d'or. Le corsage du bliaut est collant, avec un petit décolletage carré sous lequel on aperçoit la 
goule de la robe fourrée. La jupe, fendue par derrière, est à tout petits plis. Entre le corsage et la jupe, une 
pièce d'étoffe souple et légère, très ajustée, épouse étroitement les hanches et le ventre. Cette « pièce de 
milieu » se lace par derrière comme le corsage lui-même dont elle forme le prolongement et est serrée autant 
qu'il est humainement possible! Toute 1'encolure de ce bliaut d'apparat est ornée de larges galons d'or; les 
manches, munies du même galon, sont tailladées et coupées. Mais ce qui frappe surtout, c'est la ceinture, 
magnifique, jetée négligemment sur les hanches et qui retombe par-devant jusqu'au bas du bliaut. Un orfèvre y a 
enchâssé des topazes, des agates, des escarboucles et des sardoines (2).
    Pendant le temps qu'elle s'habillait, Aélis s'était contentée d'une chaussure découverte destinée à la chambre, 
ses eschapins, il lui faut maintenant mettre ses souliers de noces, deux petits souliers très étroits, à 
bec pointu, en beau cuir de Cordoue brodé d'or. Sur sa tête, elle ajuste un petit voile circulaire et sur ce 
voile (difficile à bien fixer), on lui pose son cercle d'or garni d'émeraudes et délicatement émaillé, véritable 
couronne qui le voile fait délicatement ressortir. Adieu, les simples chapels de roses qu'elle portait jadis su 
temps de la Pentecôte et qui coutaient si peu.
    C'est fini, la toilette de noce est achevée. Un dernier regard sur le miroir. Aélis n'est pas mécontente de son 
chef-d'oeuvre. Elle sait bien qu'elle ne le portera qu'aux grands jours de fête et qu'il finira, quand il sera 
usé, en quelque pauvre moutier où il servira à faire chasubles et chapels. Elle sait bien que, chaque jour, elle 
se contentera d'une bonne cotte de laine ou de drap, d'un bliaut tout d'une pièce serré aux fiants par une 
simple cordelette, une guimpe sur la tête et, aux pieds, des souliers qui ne seront pas brodés. Mais, pour ce 
jour solennel, elle se réjouit d'être belle.
    
    
      La toilette de l'époux
    
    
    Aidée de ses servantes, de sa mère (qui ne la trouve jamais assez belle), de son miroir, Aélis n'a guère mis que 
quatre heures à s'habiller! Il en a suffi d'une à son mari pour procéder à sa toilette. Mais, malgré sa nature 
vive, notre jeune chevalier a aujourd'hui des trésors de patience. Son costume a pourtant plus d'une affinité 
avec celui d Aélis. Comme Aélis, il porte chemise, pelisson, manteau et chapel. Ses jambes sont couvertes de 
chausses en soie brune qu'il a fait venir de Bruges. Sa chemise est de belle toile blanche, solide et fine. Son 
« pelisson hermin » est semblable à celui qu'Aélis porte tous les jours. C'est de la pelleterie enfermée entre 
deux étoffes, 1'une de toile, l'autre celle qu'on porte au-dehors, de soie : un beau paile rouge incarnat, 
broché d'or, avec des gueules d'hermine à l'encolure et de larges galons d'orfroi au cou et aux manches. Le 
bliaut est une tunique, moins longue que le pelisson et qui n'a pas plus de quatre pieds de haut. Elle est en 
soie légère, en cendal bleu foncé. Ses manches sont serrées au poignet et évasées en haut du bras. Des orfrois, 
bien plus larges que ceux du pelisson, décorent non seulement ces manches, mais le bas de l'encolure qui est 
munie d'une fente verticale. Sous le galon, le bliaut est entaillé ou, pour être ici plus exact, gironné (3). Le manteau, qui est demi-circulaire, est doublé de fourrure : car c'est là 
le grand luxe et, dût-on suer à larges gouttes, on met partout du vair et du gris, de l'hermine et de la martre. 
La soie de ce manteau est la même que celle du pelisson : même grain, même couleur. Sur le devant et au bas, à 
droite et à gauche, éclatent quatre pièces carrées, très riches, qui sont brodées d'or et sur lesquelles on a 
jeté des pierres fines : ce sont les tasseaux. Une agrafe retient élégamment ce splendide vêtement sur l'épaule 
droite.
    Reste la tète, la jeune tète bouclée qu'il faut parer. Nore baron entoure son front d'un chapelet auquel il a 
voulu donner la même forme qu'à celui d'Aélis, il l'a fait incruster des mêmes émeraudes, orner des mêmes 
émaux.
    C'est fini : la toilette de noces est achevée. Les deux jeunes gens sont prêts à partir.
    
    
      La cérémonie
    
    
    L'église n'est pas loin et les cloches tintent joyeusement. Nos mariés ont décidé de s'y rendre, selon l'usage, 
à cheval. Le cortège s'organise devant le perron. En tête, s'avance un groupe de jongleurs formant un véritable 
orchestre : vielles, flûtes et harpes. Les joueurs sont déjà de belle humeur, car, si 1'Eglise exige des fiancés 
qu'ils se marient à jeun, elle n'astreint pas les jongleurs à une telle pénitence.
    Aélis, après avoir mûrement réfléchi, a choisi une mule, monture généralement adoptée par les dames de son 
temps. Rien n'est plus charmant que la bête qui l'attend : c'est une belle mule noire au magnifique 
harnachement. La sambue (la selle) est ornée d'ivoires incrustés d'or ; la couverture est en samit écarlate. Sur 
le frontail éclate une escarboucle qui brille la nuit et passe pour préserver de toutes les maladies. Le 
poitrail est muni de trente grelots d'argent et, quand la bête se met en marche, toute cette sonnetterie est 
agréable à entendre.
    Derrière, se tient le mari, bien campé sur son palefroi qui piaffe, sur sa selle émaillée de fleurettes d'azur, 
avec ses heuses (4) de cordouan qui recouvrent et préservent ses soullers 
brodés d'or. Près d'eux leurs mères, montées sur des mules affeutrées (5), le 
grand-père d'Aélis (elle a perdu son père), puis, deux par deux, trois par trois, les parents et les amis, 
revêtus de la magnificence des mêmes costumes, les femmes en bliaut d'apparat, les tresses blondes étalées sur 
leurs manteaux de soie, le cercle d'or au front. Sur une sorte de char peint à fleurs sont assis les plus vieux 
invités. Tout le long du chemin, les vassaux, les paysans, les bourgeois venus de la ville, regardent passer le 
cortège.
    
    
      Le moment du départ est arrivé.
    
    
    L'église est au sommet de la colline. Nos gens descendent de leurs montures pour gravir la côte. Le grand-père 
d'Aélis « en sa brace la prent ». Le chemin et les marches qui mènent au moutier ont été couverts de glaïeuls et 
de roses qui répandent un parfum pénétrant. Les conversations vont leur train. Les rires s'entrecroisent 
gaiement. Soudain tout cesse, le prêtre a paru. C'est sous le porche qu'a lieu en effet le véritable mariage et 
les cérémonies de l'église n'en seront que le complément et la parure. C'est sous le porche peuplé de statues de 
pierre, en présence de nombreux témoins, que les deux fiancés vont donner à leur union leur libre et solennel 
consentement. Le prêtre pose les questions qu'exige la sagesse de l'Eglise
    « Vous avez l'âge voulu. Vous n'êtes point parents. Vous êtes chrétiens tous deux. Vos parents consentent. Les 
publications ont été faites, et les bans proclamés trois fois dans l'église paroissiale, pendant l'office. 
Personne ne s'oppose à votre mariage. Vous avez des témoins. Quelques centaines, dites-vous ? Deux auraient 
suffi. Nous sommes en un temps liturgique où l'Eglise permet la célébration des noces. Tout est bien, et il ne 
me reste plus qu'à vous demander solennellement votre consentement au mariage. C'est le moment de vous 
recueillir, de vous dire en vous-mêmes que vous allez avoir de grands devoirs à remplir, et de penser à Celui 
qui, pour bénir d'avance tous les mariages de ce monde, assista aux noces de Cana. Priez. »
    D'une voix forte et qui porte loin, le prêtre leur demande le consentement sacramentel et l'on entend les deux 
jeunes voix qui répondent : « Oui, je, Henri, te prends pour femme. - Oui, je, Aélis, te prends pour mari. » Les 
deux époux ont la main droite dans la main droite. Ils sont mariés.
    C'est alors - parce qu'il faut songer ici aux intérêts temporels - qu'on donne lecture du contrat de douaire et 
des divers éléments dont se compose la dot de la femme. Puis, les deux époux et leurs familles se mettent à 
distribruer des deniers aux pauvres qui attendaient avec impatience ce moment. Ensuite a lieu la « dation » de 
la femme à son mari par son père et par sa mère. Pour Aélis, c'est sa mère, veuve, qui s'avance vers le jeune 
baronet lui donne sa fille. La main nue de l'époux presse alors la main de l'épouse : « A tout jamais dans la 
foi de Dieu et dans la mienne, saine ou malade, je promets de la garder. »
    Vient ensuite la cérémonie de l'anneau. Quand le prêtre est sorti de l'église, il tenait un livre entre les 
mains et, sur ce livre, un anneau d'argent qui brillait au soleil. Cet anneau, il le bénit, ou bien (selon les 
diocèses) l'asperge d'eau bénite et récite sur lui cette prière : « Que le Créateur et le Conservateur du genre 
humain, que le Donneur de la grâce et de l'éternel salut, fasse descendre sa bénédiction sur cet anneau. » Alors 
l'époux prend le cercle d'argent et le met successivement à trois doigts de la main droite de sa femme en disant 
tout à tour Au nom du Père ; puis, du Fils ; puis, du Saint Esprit. Et il le glisse enfin à un des doigts de la 
main gauche. C'est là qu'Aélis le portera jusqu'à sa mort, en signe d'affection et de fidélité. Et, en le 
glissant définitivement, il prononce ces paroles : « De cet anneau je vous épouse; de mon corps, je vous honore; 
de mon bien, je vous doue. »
    Suivant la vieille coutume franque, le marié offre alors symboliquement à son épouse le sou et le denier (c'est 
le dernier souvenir du rite de l'achat).
    Il place délicatement dans la bourse d'Aélis trois deniers neufs.
    Les portes de l'église s'ouvrent alors à deux battants. Les mariés s'avancent entre deux haies d'amis et de 
curieux. Arrivés au milieu de la nef, ils se prosternent et restent ainsi inclinés quelques instants tandis que 
le prêtre les bénit
    « Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob, jetez dans l'intelligence de ces deux jeunes gens les semences de 
la vie éternelle. » Puis, s'adressant au jeune couple : « Que Dieu vous bénisse et vous apprenne lui-même à lui 
être agréables clans votre corps et dans votre âme. » Là-dessus, les deux époux se relèvent et sont conduits 
dans le choeur, tous deux près l'un de l'autre, la femme à la droite de son mari. La messe commence.
    A l'Offertoire, les deux époux, cierge en main, font leur offrande. Après le Sanctus, ils se prosternent de 
nouveau pour recevoir la bénédiction solennelle du prêtre. C'est alors que quatre jeunes barons étendent un 
voile de couleur pourpre au-dessus de la tête des mariés.
    C'est un rite antique et jadis un voile enveloppait entièrement le jeune couple, symbolisant la délicatesse avec 
laquelle les époux devront cacher leur amour que Dieu bénit.
    La messe s'achève. L'Agnus Dei vient d'être chanté. Mais voici encore une scène charmante. L'époux s'avance à 
l'autel et reçoit du prêtre le baiser de paix. Il le reporte à sa jeune femme qu'il embrasse délicatement au 
milieu du sanctuaire, au pied du crucifix.
    On sort de l'église à travers une foule compacte et bruyante. Les jongleurs prennent de nouveau la tête du 
cortège.
    Dames et chevaliers remontent sur les mules et les chevaux. La route est toute tapissée de feuillages verts. 
Dans les « encensiers », les parfums brûlent en plein air.
    
    
      La fête
    
    
    A un carrefour de la route, toute une cavalcade vient au-devant des nouveaux époux. On s'embrasse, on rit, et 
les deux cortèges réunis se dirigent vers le château où tout est prêt pour les recevoir. C'est dans la 
grand'salle, la salle pavée, que la réception a lieu. Depuis plusieurs jours, on l'a disposée et parée à cet 
effet. On l'a badigeonnée et peinte de nouveau. On a couvert les murs de tapisseries et de pièces de soie rouge 
et verte. Le pavé est jonché de roses et de joncs. Elle est superbe, cette salle, et le cortège y fait une 
entrée solennelle. Deux par deux, les mariés, leurs parents et leurs amis s'avancent vers le perron et en 
montent lentement les degrés.
    Toutefois, on ne dîne pas dans la salle, mais dans la prairie voisine, sous la tente. Les invités sont très 
nombreux, car plus on a de grands personnages à ses noces, et plus on est fier.
    On distribue des cadeaux aux invités bliauts, manteaux, hanaps. Et c'est à peine si notre chevalier trouve un 
instant pour se réfugier dans sa chambre et... embrasser sa femme !
    Les trompettes qui sonnent annoncent que le dîner est prêt. Les tables sont dressées sous des tentes. La plus 
belle d'entre elles, toute de soie bleue, est destinée aux nouveaux époux, à leurs parents les plus proches, aux 
invités les plus illustres. On se place peu à peu. Les sénéchaux portent des paons rôtis sur des plats d'or. 
Derrière les jeunes mariés, assis l'un à côté de l'autre, se tiennent deux chevaliers qui ont tenu à honneur de 
les servir. Ils remplissent les deux hanaps que l'époux leur tend. La belle « au clair visage » y trempe ses 
lèvres en même temps que son mari.
    Les plats défilent et ils sont innombrables. On parlera longtemps de ces noces dans le pays ! Groupés dans un 
coin, les jongleurs jouent leurs plus beaux morceaux, font quelques tours pour attirer l'attention. C'est 
seulement à la fin du repas que l'on commence à chanter et à conter.
    Puis on passe aux chansons à boire. Et celles-ci sont assez gaillardes, car nos aïeux ne détestaient pas le mot 
cru et les femmes ne s'effarouchaient pas des grivoiseries.
    Les convives se lèvent de table (ils y sont depuis trois heures), bruyants et lourds. Les damoiseaux et les 
bacheliers vont d'un côté, les dames de l'autre. Les premiers se livrent à des joutes et l'on a pour eux disposé 
des quintaines dans le pré. Un peu appesantis par le vin, ils frappent souvent avec maladresse, mais sont les 
premiers à rire de leur échec.
    Ailleurs, sous les arbres, il y a un bal. Les chevaliers prennent les dames par la main et l'on entre dans la 
danse : rondes chantées par les dames elles-mêmes. Un moment, tous les danseurs s'arrêtent pour voir Aélis 
danser avec son mari.
    
    On se délasse en soupant. La nuit tombe.
    A la porte de la salle, se présente un prêtre accompagné de deux clergerons. Il vient bénir la chambre nuptiale, 
le lit « paré d'un covertor ». Le prêtre, en étole, fait le tour du lit lentement en multipliant les 
bénédictions : « Bénissez vous-même ce lit nuptial, mon Dieu, afin que ces chrétiens reposent dans votre paix et 
vieillissent dans votre amour. Que la main de Dieu soit sur eux et qu'il fasse descendre du Ciel un de ses 
ancres pour être ici leur gardien en tous les jours de leur vie. » Puis il s'éloigne après avoir dit aux époux 
qui étaient restés agenouillés durant toute la cérémonie : « Soyez en paix, que Dieu demeure avec vous. »
    Les dames couchent la mariée et se retirent. Les nouveaux mariés restent seuls.
    La nuit furent ensemble, firent leur volonté. (Le Chevalier au Cygne.)
    Imitons ici la discrétion de nos Chansons de geste.
    
    
    
    (1) Se mettre à l'aise. (Retour)
    (2) Pierre précieuse, brune ou rouge. (Retour)
    (3) Au bords découpés en festons. (Retour)
    (4) Bottes. (Retour)
    (5) Mules dont la selle est rembourrée. (Retour)
     
    
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